Enquête
Vitiligo : une maladie bénigne toujours stigmatisée en France
Une enquête révèle pour la première fois ce que vivent des jeunes patients atteints du vitiligo, une maladie de peau dont la stigmatisation a un impact psychologique considérable.
- Par Stanislas Deve
- -Jela- / istock
Si "chez les patients atteints de vitiligo, la qualité de vie et le fardeau de la maladie peuvent être mesurés à l'aide d'instruments dermatologiques génériques, ils échouent généralement à détecter les nuances dans la manière dont les patients gèrent le fardeau global du vitiligo."
A l’initiative d’Incyte Biosciences France, de l’Association Française du Vitiligo et du cabinet Baltasar, une étude menée par l’Ifop a recueilli, pour la première fois en France, la parole de jeunes patients sur leur vécu de cette maladie auto-immune qui se caractérise par l’apparition de taches blanches sur la peau, le plus souvent avant 30 ans.
La stigmatisation du vitiligo, une source de souffrance psychologique
Bien que le vitiligo soit une maladie de peau bénigne, sa stigmatisation a un "impact psychologique considérable parmi les plus d’un million de Français qui en sont atteints", révèle l’enquête réalisée auprès de 12 jeunes âgés de 12 à 25 ans atteints du vitiligo, ainsi que de 1.000 autres pour mesurer les croyances et attitudes envers les personnes qui en souffrent. Plus de la moitié des patients volontaires souffre de comorbidités psychosociales comme les troubles anxieux et dépressifs, la phobie sociale, le sentiment de rejet, les perturbations du sommeil ou encore des difficultés émotionnelles et relationnelles.
Premier enseignement de l’étude, le vitiligo reste méconnu des jeunes : seuls 30 % des jeunes connaissent le vitiligo, tandis que 51 % disent en avoir entendu parler. "En conséquence, 31 % des jeunes qui ont croisé une personne atteinte de vitiligo avaient peur que la personne soit contagieuse avec 42 % pour les hommes et 19 % pour les femmes."
C’est au moment de la puberté que la stigmatisation serait la plus forte. Parmi les collégiens, "moins informés et tolérants envers les personnes avec vitiligo", un peu plus d’un tiers seulement accepteraient d’être en contact physique (34 %) ou d’interagir (38 %) avec un malade. L’étude rapporte aussi les moqueries et situations de harcèlement vécues par les intéressés : "On me disait "tu te mets dans le coin et tu ne touches pas au reste des bancs", ou à la piscine : "J’essaye de les ignorer. Si je les ignore, ils essayent de crier encore plus fort pour attirer plus l’attention sur moi et attirer l’attention des gens." Un jeune sur cinq connaissant le vitiligo a été témoin d’une situation de stigmatisation de ce type.
Vitiligo : mieux informer pour moins stigmatiser
Alors qu’un jeune sur cinq estime que le regard porté par la société sur les personnes atteintes de vitiligo nuit à leur santé mentale, il est indispensable ou important, selon eux, de renforcer la sensibilisation autour du vitiligo. Les jeunes malades, de leur côté, insistent sur la nécessité de "mieux informer les soignants et leur entourage, dont la réaction peut avoir un effet sur la santé mentale (et du patient, et de l’aidant en l’occurrence souvent les parents)". L’un des patients témoigne ainsi : "Il y avait les questions à chaque fois que je voyais quelqu'un de ma famille : "qu’est-ce que tu as ?" "Est-ce que tu t’es brulée ?", "Est-ce que ça part ?". C’étaient toujours les mêmes questions qui revenaient [...]"
Dernière conclusion de l’enquête, en parler avec un thérapeute et leur entourage aide les jeunes malades à accepter leur vitiligo. Notamment en adoptant certaines stratégies pour "retourner le stigma" : comme l'explique un patient, "c’est plus en le cachant qu’on va avoir des moqueries, qu’en le mettant en avant et en l’assumant. Quand on assume quelque chose, les gens ne peuvent plus trop attaquer. Donc plutôt en faire une force et accepter".